Le thème de la pertinence des actes en imagerie est récurrent depuis un certain nombre d’années et revient régulièrement tel un marronnier, notamment avant les discussions du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). . . Le taux annoncé d’examens inutiles varie de 25 à 30 % selon les porteurs du discours et l’objectif qu’ils se fixent, un peu à la façon des chiffres affichés par les organisateurs ou la police dans les manifestations !
La profession réagit en général peu à ces attaques, tant qu’elles ne sont pas suivies de baisses effectives des cotations, et monte alors habituellement au créneau en dénonçant à juste titre la confusion qui est faite entre un examen normal et un examen inutile. La profession s’est emparée du sujet il y a plus de dix ans, en élaborant la première puis la deuxième version du guide du bon usage des examens d’imagerie, sous l’impulsion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) –
inquiète de constater une inflation des actes utilisant les radiations ionisantes. Force est de constater que ce guide, en l’absence de moyens de diffusion, est peu utilisé par les médecins demandeurs d’examens d’imagerie, et qu’il n’est pas non plus intégré à la formation initiale. En outre, les baisses itératives de la nomenclature n’incitent pas les radiologues à réorienter les demandes inappropriées et les poussent à adopter une position « bête et méchante » du « je fais ce qu’on me demande ! » qui peut relever d’un réflexe de survie, mais la survie sera de courte durée ! Les attaques de la profession prennent maintenant une autre forme, et aux examens inutiles s’ajoute la menace de l’intelligence artificielle. Celle-ci serait capable de remplacer les radiologues dits trop coûteux, mais n’aura pas d’impact sur les examens inutiles, qui pourront au contraire être réalisés sans contraintes humaines.
La « vraie vie » nous amène à constater au quotidien que le vieillissement de la population augmente le nombre de demandes d’examens dont la pertinence est relative compte tenu de l’âge, mais surtout de l’état physique des patients. Plus encore, le développement de la téléradiologie déconnectée d’un projet médical, mais seulement considérée comme une prestation de service de téléinterprétation, est inflationniste, en donnant accès à l’imagerie en coupes à des demandeurs non séniorisés ou insuffisamment formés, pour lesquels la demande d’un scanner ou d’une IRM constitue une sorte de protection garantissant l’obligation de moyens, lorsque cette demande ne sert pas seulement à désengorger les urgences. Nous sommes particulièrement préoccupés lorsque nous voyons une mutuelle créer une filiale qui absorbe une société de télémédecine ayant un volet téléradiologie, puis une autre société dont le portefeuille de clients représente plus de 3000 radiologues libéraux à qui le montage est présenté comme très avantageux puisqu’il permettra à chacun de compléter son activité par une activité de téléinterprétation, moyen de compenser les baisses itératives de nomenclatures. Open-bar pour les demandeurs et happy hour pour les radiologues ! Pour les patients, dormez tranquilles, on s’occupe de tout, pour les tutelles et les financeurs, pas de souci, l’enveloppe est fermée, l’inflation des actes provoque la baisse immédiate de la cotation des actes. Quelle éthique peut justifier une telle attitude ? Dans ce contexte, il est grand temps que la profession revendique la maîtrise de la pertinence des demandes d’examen. Elle doit élaborer des demandes d’examen structurées qui ne permettent pas – sauf conditions exceptionnelles – de valider la demande et donc la prise en charge. C’est la première valeur ajoutée du radiologue. La deuxième valeur ajoutée est la réalisation des actes que les radiologues contrôlent en présentiel ou à distance, en coopération avec les manipulateurs. La qualité de la réalisation est un élément primordial de la troisième valeur ajoutée du radiologue : l’interprétation de l’examen, qui doit être accompagnée d’un compte rendu structuré et diffusé. Enfin, la conclusion doit comporter une orientation ou une conduite à tenir qui constitue la quatrième valeur ajoutée du radiologue. C’est à ce prix que la radiologie, qui est maintenant la spécialité choisie en priorité au concours de l’internat, restera attractive, en utilisant efficacement les possibilités offertes par l’intelligence artificielle.